Carnet de bord

Le port d’Alat, une étape cruciale

Me voilà à Tbilissi, prêt à partir pour l’Azerbaïdjan, à 60 km de là. Je suis plutôt angoissé. Deux Anglais très sympathiques ne m’ont pas spécialement rassuré lors de mon arrivée. Ils faisaient cette fameuse course, la Mongolian Race, une course qui se fait en 7 semaines et qui part d’Angleterre pour finir à Oulan-Ude.

(Quoi ? Tu ne sais pas où est Oulan-Ude ? Pfff la culture alors ?! Oulan Ude est une micro-ville en dessous du lac Baïkal qui n’est pas très loin de la frontière Mongole. Elle possède une station de train où la fameuse ligne du Transsibérien y finit sa course folle à travers la Sibérie jusqu’à Moscou).

Bref, ces jeunes hommes et moi passons une bonne soirée à discuter et ils m’informent que le rallye possède son propre groupe Facebook, où chacun peut communiquer s’il a un problème ou informer les autres lors du voyage sur les points de vigilance, notamment la frontière Azerbaïdjanaise. Les douaniers y seraient notamment très forts pour trouver des drones cachés, au moyen de rayons X et de fouille approfondie…

Je n’ai alors qu’une seule alternative pour contrer tout cela : mon linge sale. J’enveloppe donc mes vêtements bien remplis de sueur autour de mon drone pour qu’il soit indétectable dans mon sac de linge sale, et je fais de même pour ma caméra, et Yalah si ça passe tant mieux.

Le passage de la frontière Azéri  

Une fois arrivé à la frontière je suis anxieux. J’arrive en face d’une première ligne de voitures. Un vieillard me fait signe de passer devant tout le monde, je suis désormais en face des premiers militaires qui me demandent mes papiers. Ils me regardent, et comme d’habitude mon nom les fait rire car il ne colle pas à ma tête, qui plus est j’ai désormais une grosse barbe inexistante sur la photo de mon passeport. L’un d’eux me fait une blague sur mes bottes moto et puis me dit d’avancer avec un grand sourire, je lui rends la pareille.

J’avance au contrôle des papiers. Encore une fois on me dit de passer devant tout le monde (Yeaaaaaah, vive la motocyclette), même histoire sans la blague sur les bottes cette fois.

Bagage checking désormais : on me demande d’ouvrir mes deux valises latérales. Ils balayent du regard les deux, ne me demandent même pas d’ouvrir les sacs de vêtements. Il ne me reste que l’assurance et puis on me demande de me diriger vers un grand portail vert. Deux militaires armés de Kalachnikovs y sont postés, après avoir regardé mes papiers ils m’ouvrent la porte… « Welcome Azerbaijan ». J’accélère. J’explose de joie, je parle en chantant tel un barde.

Ça a finalement été hyper simple, aucun problème dans quoi que ce soit, des agents plutôt sympa et un temps presque record, en 45 minutes et j’étais de l’autre côté.

Je me gare sur le bas-côté, je prends de l’argent à une tirette. Et je me rends compte alors qu’il fait affreusement chaud, on est aux alentours des 40° à l’ombre. Au soleil on doit être bien à 45/47°, je transpire beaucoup (c’est bien pour le prochain passage de douane ça, ça va bien puer dans mon sac de linge sale ce sera parfait comme protection). Un premier azéri vient vers moi interloqué par ma moto, quelques bruissements de moteur plus tard je lui dis au revoir et je me mets en route pour ma prochaine destination,  un petit hôtel au milieu de l’Azerbaïdjan.

Première différence avec la Géorgie : les poulets, ils conduisent tous de grosses BMW pas très anciennes. Elles sont magnifiques. Par contre, il y en a partout. Pas de doute, on est bien dans un État des plus autoritaires du monde. En effet, depuis la chute de l’URSS, c’est la même famille qui tient en main le pays, qui pour l’instant, n’a pas particulièrement connu de révolte. Tout simplement parce que le pays bénéficie d’un développement assez exceptionnel, ces dernières années notamment : ses sols regorgent d’Or Noir. Tout va donc pour le mieux dans ce pays qui, au passage, est également une république Islamique. Et visiblement l’État fait plaisir à sa police avec de magnifiques voitures de service. Ce sont nos policiers qui pourraient être jaloux avec leurs Citroën Picasso…

Je file au travers d’un paysage de plus en plus aride. J’ai l’impression d’avoir un sèche-cheveux dans le bec quand je roule, l’air qui me fouette le visage est très chaud. Ça me fait rire. Les routes sont plutôt bonnes. Je m’arrête prendre des fruits sur le bord de la route, ils vendent du raisin qui provient de la vigne juste derrière eux. Je trouve ça magnifique. La petite dame qui me sert, me rajoute du raisin après avoir payé. « Welcome Azerbaijan ! », ça c’est gentil. Elle ne me connait pas, mais elle sait déjà comment me séduire. Les fruits sont divinement bons, sucrés. Ok, toutes mes idées reçues tombent à l’eau à une vitesse vertigineuse. Tant mieux. En même temps, les populations du monde en général sont super sympa, ce sont plus les membres du gouvernement et ceux qui les représentent avec qui j’ai plus de mal.

Une nuit et une chaude journée plus tard j’arrive à Baku, qui est une ville très impressionnante. Son centre historique regorge…. De bâtiments Haussmanniens !

Cette ville ressemble à Paris, à tel point que lorsque j’ai pris des photos de certains endroits, la plupart des gens se méprenaient sur la localisation. C’est fou. J’ai ressenti la même impression lorsque j’étais à Las Vegas, dans un  décor très Parisien. Le cerveau sait que ce n’est pas Paris mais donne l’effet d’un faux-semblant, c’est très étrange à expliquer.  Enfin, après avoir passé deux jours en compagnie d’abonnés vivant à Baku, il fallait désormais s’occuper du bateau qui allait m’emmener à Aktau.  Et après quelques tractations je compris qu’il allait falloir me rendre au Port de départ, à Alat, situé à 60 kilomètres de Baku.

Un matin je m’y rends donc avec ma moto, sans mes bagages, histoire de pouvoir collecter des informations.

En y arrivant, je vois des dizaines et des dizaines de voitures de la Mongolian Race. Toutes sans exception, ont l’air d’être installées depuis un bout de temps sur ce gigantesque port d’embarquement.

Mon objectif est d’obtenir un ticket. Mais en arrivant je me rends compte très très vite que ça ne va pas être si simple.

Dès le début de cette aventure dans le port, je suis accompagné d’un autre motard. Carlos, un jeune homme espagnol de 42 ans super sympa qui est arrivé en même temps que moi avec une superbe BMW 850 GS. Il est Youtuber et fait la promotion de la nouvelle gamme de chez BMW en faisant le même voyage que moi : l’aller- retour en Mongolie.

Avant de continuer, laissez-moi donc vous expliquer comment se passe le fonctionnement du port.

Déjà, autour de ce port il n’y a rien, excepté un village composé de quelques centaines de personnes qui ne semblent pas tellement profiter du dynamisme économique qu’il génère. Autour il n’y a rien. Du désert et des puits de pétrole.

Ce port prend la place de l’ancien port de Baku pour les traversées vers le Kazakhstan. Les bateaux débarquent principalement des wagons tout au long de l’année mais aussi des remorques et semi-remorques de camion. En été, grâce/à cause de la Mongolian Race, de nombreuses camionnettes, voitures, vans, motos et piétons envahissent le port, ce qui fait que le personnel se trouve en sous-effectif pour répondre à la demande d’autant de tickets à la fois.

Note importante : le ticket d’embarcation n’est pas le même selon les véhicules.

  • Camion : 1200$
  • Voiture : 300$
  • Moto : 110$

Ce ticket n’inclut pas le prix d’un lit en cabine : 80$. Cabine qui est obligatoire de prendre, c’est la « loi » et ainsi il faut aussi payer la « bridge taxe » d’environ 13$, également obligatoire pour tous les passagers.

Les bateaux sont tenus par des entreprises privées et donc vous me voyez venir, qui marchent au rendement. Priorité à ceux qui leur rapporteront le plus d’argent… Les camions. C’est donc que nous, motards, sommes presque tous en bas de l’échelle des priorités de ces compagnies maritimes, malgré le peu de places que nous prenons comparativement à ces voitures ou ces camionnettes.

Le port d’Alat et ses affres de la paperasse !

Pour commencer à obtenir le ticket il faut d’abord :

  • Obtenir une note de paiement faite par un Azéri, qui, vu de l’extérieur, fait tout aléatoirement. Pour obtenir ce premier sésame il faut alors rester devant la porte du bureau de ce monsieur. Ce bureau qui est dans un cube préfabriqué posé à côté du parking d’embarquement des véhicules. Nous attendons tous sous le soleil, moi, d’autres motards, des gens en voiture, des camionneurs. Tous ceux qui n’ont pas leur ticket ou leur note de facture attendent que la porte s’ouvre pour essayer de s’infiltrer et que cet homme se décide à réaliser les formalités pour aller à l’étape suivante.
  • Une fois la note de paiement obtenue il faut se rendre à un guichet. Dans un autre préfabriqué. Nous payons lorsque la pause déjeuner du guichetier est terminée et nous obtenons un papier de confirmation de paiement : 2ème étape validée.
  • Il faut retourner voir le premier homme avec ce même papier pour qu’il nous imprime les tickets. Même procédé, il faut attendre et entrer au bon moment, dans ce préfabriqué climatisé.
  • Une fois le sésame obtenu, après plusieurs heures d’attente, il faut le tampon par ce même homme qui confirme le tout.

Je donne tous mes papiers à Carlos pour qu’il le fasse pour moi et que je puisse aller chercher mes affaires à Baku, soit un aller-retour de 120 km à faire. En revenant, ce bon Carlos avait fini pour moi les démarches qui ne nécessitaient plus ma présence. Nous avons les tickets tamponnés afin qu’ils puissent nous confirmer que nous sommes sur la liste pour le bateau indiqué sur le formulaire : « Professor Gul » (gracieusement détourné par des amis Français sur place participant à la Mongolian Race).

Carlos et moi faisons partie des chanceux qui sommes arrivés parfaitement dans le timing pour obtenir une place sur ce bateau : en une journée toutes les démarches ont été effectuées et nous allons embarquer sur le même bateau que certains attendent depuis 5 jours, voire plus.

Certains Français avec qui j’ai discuté ont mis plus de 9 nuits à embarquer. Mais pourquoi rester sur place et ne pas dormir à l’hôtel et venir le matin savoir si un bateau partait ? Tout simplement parce que les seules véritables informations qui circulaient étaient celles obtenues dans le port.

Plusieurs ont laissé leurs voitures sur place et sont retournés à Baku en attendant. Résultat la moyenne d’attente a doublé : 10 à 15 jours. Il faut compter 4 à 6 jours en moyenne lorsqu’on est dans le port et qu’on attend. C’est beaucoup plus dur, l’hygiène est alors inexistante. Le soleil vous crame le visage, l’air en pleine journée est suffocant, mais vous êtes les mieux informés sur l’arrivée des bateaux et des différentes situations. Alors, bien sûr, dans ce port il y a des toilettes (qui étaient fraichement bouchés lors de ma présence, et je vous vois venir, ce n’est pas moi qui ai commis l’acte de barbarie) et douches sommaires situées à côté. Il y a une petite supérette qui vend les principales denrées alimentaires et des super bonnes pastèques.

Et puis surtout au port il y a une ambiance de bons copains dans l’attente. Tout le monde a sorti les chaises de camping. On fait des « Petit Bac » en attendant que la journée passe. On reste aussi sans parler plusieurs heures, mais en groupe. C’est assez particulier, mais c’est agréable de côtoyer d’autres curieux voyageurs qui ont pour la plupart des vieilles caisses toutes nazes pour parcourir le monde (c’est aussi l’une des règles du rallye : partir avec une vielle crotte et aller aussi loin que possible).

Des motards ont accroché leurs hamacs entre deux camions, des Hongrois restent sous les camions pour échapper au soleil. Bref, tout le monde s’occupe, tout le monde patiente.

Enfin nous finissons par connaître la date de notre départ, car le soir même le bruit circule que nous embarquerons à 5 heures du matin.

Il faudra donc passer la nuit sur le port d’embarquement. Nous sortons les matelas gonflables et nous endormons.

J’y ai d’ailleurs passé une nuit exceptionnelle, car étonnamment le vent a soufflé toute la nuit, rafraîchissant le port.

Je me réveille alors… A 7h lorsque le soleil se remet à chauffer. Mais ouf, personne n’est parti, tout le monde dort encore. L’embarquement prévu à 5h00 n’a pas eu lieu, il n’aura pas lieu non plus à midi, ni en plein après-midi… Mais à 17h30 le soir.

Tout se passe bien, « Professeur Gul » nous accueille, je suis en cabine avec une Française qui voyage seule avec sa voiture en Mongolie et deux Français qui font la Mongolian Race avec leur deudeuch, qui se surnomment « Les grenouilles en vadrouille ».

Puis, lors de notre arrivée…

Le reste de mes aventures à découvrir dans mon prochain article ! 🙂

La bise,

Enzo

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