Justine Pedemonte : 11 ans et de la détermination à revendre

Pendant que les cadors du MotoGP et du Superbike jouent des coudes tous les week-ends sur les circuits du monde, la relève se prépare aussi aux quatre coins du globe chez la prochaine génération. Plus loin des caméras, les jeunes pilotes font leurs armes et aiguisent leurs trajectoires. Dans le village de Contes, sur les hauteurs de Nice et Monaco, Justine Pedemonte n’a que 11 ans mais elle fait partie de ces enfants motivés comme jamais pour percer dans leur sport favori. Interview avec cette championne en herbe ainsi qu’avec Yvan, son père et manager.

Cette année, Justine est engagée en Championnat 25 Power Occitanie pour l’intégralité du calendrier, un championnat réservé aux motos de 25 chevaux maximum et comportant 7 courses de vitesse et une épreuve d’endurance de 6 heures. Elle participe aussi à trois courses du Championnat de France 25 Power, un championnat qui comporte, lui, 9 courses réparties sur tout le territoire. Yvan a choisi ces championnats afin de permettre à Justine de faire le maximum de courses et d’acquérir de l’expérience tout en minimisant les coûts.

Quand on lui demande ce qui lui plaît autant dans la moto sur circuit, Justine nous amène directement au cœur de son sujet : En entraînement, je prends beaucoup de plaisir à être sur la moto et essayer d’aller toujours plus vite. Il y a aussi une très bonne ambiance avec les copains qui roulent avec moi, c’est une partie importante du plaisir à s’entraîner. En course, c’est autre chose, on rentre un peu dans une autre dimension : ce qui m’attire, c’est l’adrénaline de prendre le départ, le fait de doubler pour s’imposer et devoir gagner.

Les débuts

Justine, comment est-ce que tu as commencé à t’intéresser à la moto ? Un jour, je suis allée voir mon père participer à une course de côte avec ses copains. Il y avait aussi des enfants qui prenaient le départ sur des petites motos adaptées : j’ai adoré voir ça ! A la fin de la journée, j’ai demandé à mon père si je pouvais faire de la moto.

Yvan a été lui-même pilote de moto en compétition, alors est-ce que le papa pouvait dire non ? C’était impossible bien sûr ! Yvan a été engagé en course de côte et rallye, jusqu’à devenir champion de Provence de La Montagne puis vainqueur du Rallye du Mounta Cala (région niçoise) en Championnat de France des Rallyes en 1996. Il s’est ensuite orienté vers les circuits. Dans les épreuves de vitesse, Yvan a participé à quelques manches en Championnat de France Promosport, Supersport et Superbike. Il a ensuite gravi une autre marche en s’engageant en 1997 et 1998 dans l’une des courses les plus mythiques du Championnat du Monde d’Endurance, le Bol d’Or.

Qu’en est-il de l’histoire de Justine ? Justine monte pour la première fois sur une moto en juin 2016 : ça se passe sur un mini-circuit avec une Yamaha PW50, la moto de débutant par excellence avec laquelle tant de motards ont fait leurs premiers tours de roues. Quelques mois plus tard, à Noël 2016, Justine se voit offrir sa première moto ! Il s’agit d’un pit bike et plus précisément un petit supermotard à vitesses : une Bastos 90. Justine enchaîne ensuite avec sa première moto sportive, une Honda NSF 100 : la première fois qu’elle roule avec sa nouvelle monture en avril 2017 en Italie, Justine est enchantée ! Ça y est, elle est piquée par le virus et c’est maintenant impossible de faire machine arrière. Elle me raconte la suite : Un mois après avoir testé ma Honda NSF pour la première fois, j’ai effectué ma première course en Championnat de France 25 Power. C’était en mai 2017, au Creusot, en Saône-et-Loire. La suite de l’année 2017 a été riche en événements ! J’ai ensuite obtenu une nouvelle Honda NSF 100, plus performante : ça m’a permis de ne plus me faire « tracer » dans les lignes droites par les autres pilotes ! Plus tard, en août, je me suis entraîné pour la première fois sur un grand circuit, à Alès. Quel beau souvenir ! Vers la fin de l’année, en novembre, j’ai fait du motocross pour la première fois dans la boue. Je ne te raconte même pas le nombre de fois où j’ai chuté !

Superpapa

Yvan Pedemonte est à la fois le père de Justine et son team manager. Ce « superpapa » est le premier soutien de Justine mais aussi le plus grand. C’est lui qui a démarré l’équipe « Juju Team #125 » afin que sa fille puisse s’épanouir dans la moto et courir en compétition. Sur piste, méfiez-vous du diable rose malgré ses airs de petit ange !

Yvan, quel est ton rôle auprès de Justine ? Au début, je me suis attaché à lui enseigner les bases de la moto et de la compétition. Aujourd’hui, je l’aide à développer la moto, c’est-à-dire préparer la machine aux différents circuits, différentes conditions de course et d’entraînement. Je travaille aussi avec Justine pour mettre en place ensemble une stratégie de course. En dehors de ça, je conduis bien sûr le camion pour nous rendre sur les courses et je m’occupe des relations avec nos sponsors !

Comment est-ce que ton passé en compétition impacte la manière dont tu accompagnes Justine ? Dans un premier temps, mon expérience en compétition nous a aidé pour la préparation de la moto et du team avant d’arriver sur les courses. Cela m’a aussi permis de montrer à Justine l’importance de prendre au sérieux les entraînements et les essais libres avant les courses. Ensuite, mon passé est un atout car il m’a donné une capacité à comprendre et traduire les sensations de pilotage de Justine après chaque roulage : je peux débriefer avec elle sur les trajectoires, les freinages, les accélérations et les stratégies de course. Tout cela me permet de mieux supporter Justine dans son évolution personnelle et dans le développement de sa moto.

2018, point pivot

La saison 2018 est une étape importante pour Justine car il s’agit de sa première saison complète en compétition moto. Au début de l’année, elle a d’ailleurs signé son premier contrat pilote avec la Race Experience School, l’école de pilotage fondée par Sébastien Gimbert, Thibaut Gourin et Franck Rostagni. Quelques mois plus tard, en avril 2018, Justine remporte sa première course au Muret (Haute-Garonne) en Championnat 25 Power Occitanie. Elle me confie d’ailleurs qu’il s’agit de son meilleur souvenir à ce jour !

Justine, pour ta première saison complète en compétition moto, quels sont tes objectifs ? Au début de l’année, mon objectif était de rouler le plus possible pour gagner en expérience, c’est pourquoi je suis inscrite sur deux championnats, Occitanie en entier et France en complément pour trois courses, Roanne, Moirans en Montagne et Alès. La saison a évolué et mes objectifs aussi : je cherche maintenant à gagner le Championnat 25 Power Occitanie et à finir sur les podiums des épreuves auxquelles je participe au Championnat de France 25 Power.

Maintenant que tu es pilote officielle de la Race Experience School, quels changements est-ce que cela implique dans ta pratique en compétition ? Cela m’a plongé dans un nouvel entourage : j’ai fait la connaissance de pilotes de moto de mon âge avec qui je m’entends bien et je suis également entourée de pilotes professionnels. Mes coachs Sébastien et Thibaut ont beaucoup d’expérience en compétition au niveau international et me donnent de très bons conseils : cela me permet de progresser sur la moto mais aussi en stratégie de course. Notre stratégie se déroule aussi en dehors des courses : j’ai des objectifs spécifiques à atteindre d’entraînement en entraînement. Je dois être sérieuse et faire de mon mieux quand je suis sur la moto mais tout ça se fait dans une bonne ambiance.

Malgré son jeune âge, Justine fait preuve de maturité : elle sait adopter les bons comportements pour bien évoluer et se concentrer sur les choses qui comptent. Elle est par exemple l’une des rares filles dans un monde de garçons, mais cela ne la dérange pas et elle a décidé de ne pas considérer cela comme une limite : pour Justine, c’est comme si elle était entourée de filles puisqu’elle entretient de bons liens d’amitiés avec tous les autres pilotes. Lorsqu’elle débarque sur piste, Justine sait que la concentration est importante : elle enfile rapidement son casque pour rentrer dans sa bulle et éviter les discussions. De l’autre côté du rideau, quand le drapeau à damiers est tombé, ce n’est pas facile de gérer un emploi du temps qui se partage entre la moto et l’école. Là-aussi, Justine fait preuve de réflexion et recul : elle écoute bien en classe et fait un maximum de devoirs dans le camion, sur la route qui l’amène sur les courses ou sur les sessions d’entraînement, afin de ne pas prendre de retard dans ses devoirs.

Le regard tourné vers la rentrée

L’été est bientôt terminé et nous entrons bientôt dans dernière partie de la saison 2018. Justine est actuellement en tête du Championnat 25 Power Occitanie et se dirige vers son objectif de victoire au championnat. Sur les deux manches du Championnat de France qu’elle a disputées, Justine est montée deux fois sur le podium, à la troisième place. Les résultats ont donc été très bons jusqu’ici en 2018 et la dernière partie de saison sera l’occasion de confirmer la bonne lancée.

Pendant les vacances d’été, Noël est arrivé avant l’heure : Justine s’est vue offrir une nouvelle moto au mois d’août ! Il s’agit d’une Ohvale GP-0 160 : les Ohvale sont des motos italiennes très plébiscitées sur les circuits pour leur comportement proche des grandes motos de compétition. Justine est fan du pilote de MotoGP Marc Márquez et c’est tout naturellement que sa nouvelle moto arbore la même décoration que celle du sextuple champion du monde. Ça ne rigole plus !

Justine, si tu jettes un regard en arrière sur la saison en cours, quelle est ta plus grande fierté ? Etre forte sous la pluie : j’ai gagné ma première course sous la pluie !

Yvan, quelle est la plus grande difficulté que tu as rencontré dans la gestion du Juju Team #125 cette année ? Trouver des partenaires dans le monde de la moto est indéniablement la partie la plus difficile de nos aventures !

Pour terminer, même question que pour Justine : d’un autre côté, quelle est ta plus grande fierté ? Concernant l’équipe, nous sommes maintenant un team structuré et organisé, avec des personnes compétentes et investies : j’en suis très content. En ce qui concerne Justine, je suis vraiment très fier de ma fille pour la progression et la motivation qu’elle démontre.

Même si la saison 2018 n’est pas terminée, Justine et Yvan se projettent aussi dans la saison prochaine avec peut-être un engagement en CIV, le Championnat d’Italie. Dans ce championnat au niveau relevé, le challenge serait de taille : Justine pourrait être la seule fille dans sa catégorie. Le petit diable rose du village de Contes nous a déjà montré qu’elle possède de la détermination à en revendre : l’aventure transalpine serait une nouvelle occasion de le prouver.