On est loin des enquêtes de Mulder et Scully qui ont bercé nos années 90 dans la série X-Files mais on se situe quand même aux frontières du réel : pour 2019, les constructeurs de motos dévoilent des sportives toujours plus performantes et encore moins accessibles. Ces machines continuent pourtant de nous faire rêver. C’est grave Docteur ?
Elles ont toutes un regard de tueuse. Summum de technologie et de performance, les sportives représentent la catégorie ultime, l’étalage de ce qui se fait de mieux dans les motos à destination du public. A l’EICMA, parmi les sportives présentées, quatre m’ont marqué et m’ont amené à me poser cette question sur le lien existant entre ces motos et nos rêves : la Kawasaki ZX-10RR, la nouvelle BMW S 1000 RR, l’Aprilia RSV4 1100 Factory et la Ducati Panigale V4 R. Si la Kawasaki a été présentée en septembre, les autres motos ont été dévoilées pour la première fois lors de ce salon de Milan.
Escalade de puissance
Une japonaise, une allemande et deux italiennes : ces motos forment un quatuor multiculturel. La Kawasaki ZX-10RR, version limitée à 500 exemplaires dans le monde, est l’évolution la plus exclusive de la ZX-10R avec quelques pièces encore plus performantes. De son côté, la BMW S 1000 RR est une moto entièrement nouvelle et représente la nouvelle génération de la moto sportive phare de la marque bavaroise. Chez les italiennes, les moteurs V4 jouent la course à l’armement : l’Aprilia RSV4 1100 Factory et la Ducati Panigale V4 R sont les évolutions respectives les plus poussées (et musclées) de l’Aprilia RSV4 RR et la Ducati Panigale V4 S, et ce avec une hausse de cylindrée pour l’Aprilia et une baisse de cylindrée pour la Ducati. Vous suivez toujours?
Peu importe la méthode utilisée pour améliorer leur performance, ces quatre motos ont un point commun : elles dépassent toutes les 200 ch. C’est énorme ! Ça paraît évident, mais rappelons que 200 ch, ça fait deux fois 100 ch : c’est environ deux fois la puissance maximale qu’avaient les motos en France jusqu’en 2016 avec la loi sur le bridage.
Des motos peu accessibles
Pourquoi les sportives sont-elles de moins en moins accessibles ? La première explication est simple : ces motos ont tendance à voir leurs tarifs augmenter au fur et à mesure de leurs évolutions. Ainsi, les prix à l’achat en véhicule neuf atteignent des sommes qui donnent des sueurs froides et que peu de motards sont capables de se permettre. Pour des sportives, n’oublions pas que des coûts élevés d’entretien et d’assurance sont à prévoir et viennent s’ajouter au coût d’achat dans le budget.
Vient ensuite le problème de l’exploitabilité. Est-on allé trop loin dans la course à la performance? Malgré les aides électroniques présentes et efficaces, est-ce vraiment raisonnable de proposer ce genre d’engins très puissants en vente libre ? Les sportives sont devenues des motos exclusives, qui se prêtent difficilement à l’exercice du quotidien et sont plutôt faites pour s’exprimer sur circuit. Ces missiles sol-sol peuvent vous amener rapidement à la case « accident » ou « perte du permis » sur route ouverte et il faudra un gros niveau de pilotage pour approcher leurs limites sur piste. Parmi les quelques élus et heureux acheteurs, qui saura vraiment faire honneur à ces motos et exploiter leur potentiel à 100% ?
Du rêve au partage
En résumant la situation actuelle, on voit de moins en moins de sportives sur les routes, ces motos sont difficilement accessibles d’un point de vue financier et peu exploitables quand il s’agit de rouler. Pourtant ces motos sportives continuent de nous faire rêver. On se retourne quand elles passent dans la rue en appréciant leur look bestial et leur son qui nous fait frissonner. On les observe et on monte dessus dans les concessions ou sur les salons. Les marques le savent bien : les sportives sont mises en avant dans les campagnes de communication et les catalogues.
Est-ce qu’on se trompe ? Continuer de rêver de quelque chose d’inaccessible est-il un problème ? La réponse est non. Accepter et entretenir nos rêves de motos sportives est même très sain. En réalité, le rêve est une forme de partage : il nous rassemble dans les mêmes espaces, nous procure les mêmes émotions et nous fournit même un langage commun. Rêver de motos sportives entre motards, c’est créer une connexion forte. Ce genre de partage est créateur et inspirant : il pourrait même être recommandé par l’Organisation Mondiale de la Santé.
Des émotions, encore et toujours
Quand elles dépasseront le cadre du rêve et arriveront sur circuit ou sur route, ces motos représenteront des grands vecteurs d’émotions.
Ces quatre sportives sont presque des machines de course simplement équipées de phares, clignotants et plaques d’immatriculation. Sur les quatre motos évoquées ici, la Kawasaki, la BMW et la Ducati feront d’ailleurs leur entrée au Championnat du Monde Superbike dans quelques semaines pour la saison 2019. Elles devraient également pointer leur carénage en Championnat de France Superbike. Symbole de rêve jusque-là, elles deviendront des catalyseurs d’émotions brutes pour le public situé au bord de la piste.
Pour un usage sur route ou sur circuit en loisir, le rare motard qui se paiera l’une de ces sportives se trouvera lui aussi dans l’émotion brute au moment de choisir le modèle. Les sportives de nos jours sont toutes d’excellentes machines : elles sont toutes puissantes, légères et possèdent un niveau d’électronique à faire pâlir un astronaute de la NASA à l’époque de la conquête de la Lune. Le motard sait d’ailleurs que la différence au chrono s’expliquera par son pilotage et non pas par les quelques chevaux en plus ou les quelques kilos en moins. Quand il s’agira de choisir sa moto, les chiffres de performance et les fiches techniques ne feront plus la différence pour lui : seul le cœur dictera sa loi.
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Bonus
Pour les curieux ou ceux qui aiment quand même les chiffres ou la technique, voici les données principales – et impressionnantes – sur les quatre motos : moteur (architecture et cylindrée), puissance, couple, poids (tous plein faits) et prix. Je vous préviens tout de suite : le prix, c’est le moins drôle.
Kawasaki ZX-10RR
4 cylindres en ligne, 998 cm3
204 ch à 13 500 tr/min
11,7 mkg à 11 200 tr/min
206 kg
A partir de 25 999 €
BMW S 1000 RR
4 cylindres en ligne, 999 cm3
207 ch à 13 500 tr/min
11,5 mkg à 11 000 tr/min
197 kg
A partir de 19 200 €
Aprilia RSV4 Factory
4 cylindres en V, 1078 cm3
217 chevaux à 13 200 tr/min
12,4 mkg à 11 000 tr/min
199 kg
22 000 € (estimation, tarif officiel non communiqué)
Ducati Panigale V4 R
4 cylindres en V, 998 cm3
221 ch à 15 250 tr/min
11,4 mkg à 11 500 tr/min
193 kg
39 900 €