On les retrouve le dimanche après-midi sur les circuits du monde aux mains des meilleures pilotes. Elles sont les suspensions les plus performantes, les plus exclusives et forcément les plus chères : les suspensions Öhlins utilisées en MotoGP.
Un exemplaire de ces bijoux de technologie est exposé cette semaine au salon EICMA de Milan. La vitrine d’exposition, pourtant au centre du stand Öhlins, se veut discrète : elle ne possède pas de nom ni de panneau d’explication. J’ai vu beaucoup de personnes présentes sur le stand passer devant cette vitrine sans y faire attention. Est-ce que ces visiteurs savent qu’ils venaient de passer devant l’exception ?
Fondée il y a 42 ans en Suède, Öhlins est aujourd’hui une entreprise mondiale qui fabrique des suspensions pour les motos, mais aussi pour les voitures et les VTT. Sur les 12 équipes et 24 motos que comporte la catégorie MotoGP en cette saison 2018, toutes les motos du plateau sont équipées de suspensions Öhlins, sauf les 2 motos KTM qui utilisent des suspensions maison de la marque WP (propriété de KTM). Ce quasi-monopole de la marque suédoise en MotoGP n’est lié à aucun contrat d’exclusivité : chaque équipe est libre de choisir son fournisseur de suspensions.
Alors, combien ça coûte des suspensions de MotoGP qui font appel aux matériaux les plus nobles et à des années de développement ? D’après Öhlins, environ 100 000 € pour la fourche et 40 000 € pour l’amortisseur. Oui, vous avez bien lu. Si le prix est astronomique, il reste approximatif et difficile à évaluer. En effet les équipes de MotoGP n’achètent pas les suspensions comme un produit mais comme un service : les contrats comprennent l’achat des fourches et amortisseurs mais également le suivi par un ou plusieurs techniciens Öhlins pendant toute la saison. Ces techniciens travaillent en étroite collaboration avec l’équipe afin d’exploiter au mieux la technologie des suspensions, c’est-à-dire trouver les meilleurs réglages de fourche et amortisseur en fonction du circuit, du pilote, des pneus, des conditions de course et de besoins spécifiques. Les techniciens Öhlins présents en MotoGP sont donc sur la route toute l’année, allant de circuit en circuit : ils parcourent le monde au même titre que les équipes et les pilotes.
Dans les équipes d’usine, on retrouve 1 technicien Öhlins par pilote, soit deux techniciens par équipe. Au sein des équipes satellites, il y a seulement 1 technicien Öhlins commun pour les deux pilotes afin de limiter les coûts. Au total, pour les trois catégories (Moto3, Moto2 et MotoGP), on retrouve 30 techniciens Öhlins dans le paddock. Dans l’autre championnat géré par Dorna Sports, le Championnat du Monde Superbike, il y a un total de 8 techniciens Öhlins présents.
Qu’est-ce que qui se passe en cas de chute des pilotes ? Les contrats ne comprennent pas de suspensions de rechange mais les équipes possèdent des tarifs spéciaux « pièces détachées » de la part d’Öhlins sur les composants de fourches et d’amortisseurs. D’après Öhlins, ces tarifs sont très intéressants !
Toujours d’après Öhlins, les 100 000 € pour une fourche et 40 000 € pour un amortisseur Öhlins sont des prix à relativiser quand on compare au reste des pièces sur les motos. En MotoGP, les pièces de moteurs ou de châssis sont développées en quantité très limitée et en interne par les marques de moto, et donc avec des coûts difficiles à déterminer. Du coup, pour comparer le prix des suspensions par rapport au reste de la moto, est-ce qu’on peut estimer le prix total d’une MotoGP ? Question très difficile car ces motos sont des prototypes et pas des objets de production. On peut toutefois estimer qu’une moto de MotoGP coûte environ 1,1 million d’euros à « l’achat ». En effet, lorsque les équipes privées veulent louer les motos aux équipes officielles pour la saison, le coût de location est plafonné à 2,2 millions d’euros par pilote pour une saison, c’est à dire pour 2 motos et les pièces de rechange (hors chutes).
Malgré le prix très élevé des suspensions Öhlins, les coûts de développement sont tellement grands que la division racing de Öhlins ne génère pas de revenus. En revanche, la présence en MotoGP participe grandement à l’image de marque d’Öhlins. Pour la marque suédoise, le MotoGP est surtout un laboratoire à ciel ouvert : c’est un terrain de test idéal pour un développement continu des suspensions et un transfert progressif des technologies sur les motos de route. Comme le montre Valentino Rossi sur la Yamaha R1M équipée de suspensions Öhlins : du MotoGP à nos motos de tous les jours, il n’y a qu’un (très grand) pas !
